Roland Diagne : pour l’unité des travailleurs légaux et sans-papiers, pour l’unité des communistes ! 

Version condensée d’un entretien paru sur initiative-communiste.fr

Roland Fodé Diagne, porte-parole du Collectif des Sans-Papiers du Nord, militant communiste, membre de l’UD CGT 59, vient de prendre sa retraite. Si la théorie du « racisme d’Etat » en France (où les travailleurs immigrés sont à notre avis discriminés pour des raisons  économiques et non raciales – ce qui n’empêche évidemment pas la présence de nombreux éléments racistes dans l’appareil d’Etat) mérite pour le moins discussion, le PRCF soutient à 100% la lutte des sans-papiers pour leur régularisation.

Par ailleurs, si le Pôle n’a jamais considéré qu’une organisation communiste avait organiquement sa place dans LFI –  et le virage « euro-constructif », voire fédéraliste de cette nébuleuse n’est pas de nature à le faire changer d’avis, non plus que la resucée de la « gauche plurielle » baptisée « NUPES » – il rejoint  totalement Roland quant à la nécessité de reconstruire enfin un vrai parti communiste débarrassé des réformistes, et partage l’essentiel de ses analyses.

1) Quel bilan tires-tu de ton action en tant que porte-parole du CSP 59 ? 

Je ne suis que le plus connu des quatre porte-parole élus par les sans-papiers en 1996. Depuis, nous avons  obtenu directement de 10 000 à 15 000 régularisations et avons marqué d’une empreinte indélébile la scène socio-politique de l’agglomération Lilloise, voire de la région 59/62.

Tous les mercredis, les sans-papiers continuent de chanter et de revendiquer devant la Préfecture. Leur lutte à Lille, ce sont des centaines d’occupations de bâtiments publics ou patronaux, quatorze grèves de la faim, des marches Lille – Paris, Marseille – Paris, Bruxelles – Paris, régionales ou départementales, des milliers de tracts, d’affiches, de journaux expliquant que c’est le système économique d’exploitation de l’humain par l’humain qui produit des lois fabricant des humains illégaux. Ces lois traduisent un racisme d’État qui met à la disposition du patronat une main d’œuvre sans droits pour baisser ce qu’ils appellent « le coût du travail ».

Pour chaque manifestation de la Coordination Nationale et certaines mobilisations nationales syndicales interprofessionnelles à Paris, le CSP59 a affrété des bus, sans oublier les descentes à Calais dans la « jungle ».

Il n’y a pas une seule manifestation sociale, antiraciste, antifasciste, voire culturelle – syndicale, associative, paysanne – sur Lille qui n’ait pas connu une présence massive (près de 1 000) ou symbolique (quelques dizaines) des sans-papiers. A chaque licenciement ou fermeture d’entreprise dans l’agglomération Lilloise,  ils ont organisé des actions de solidarité pour signifier la nature de classe de leur propre lutte.

En 2004, avec des associations et des syndicats, nous avons obtenu par la lutte la régularisation des 593grèvistes de la faim et un processus de construction de la régularisation.

2) Quelles perspectives vois-tu à la lutte des sans-papiers dans ce pays et cette UE en proie à la fascisation ?

Le CSP59 va continuer sa lutte pour les papiers pour tous tout par la visibilité collective, pour sensibiliser les autres travailleurs français et immigrés légaux et se solidariser avec eux dans le combat de classe, contre le poison diviseur du  racisme et le fascisme, cette arme ultime des patrons pour mâter le peuple.

La seule perspective est que la lutte continue pour les papiers, contre le racisme et le fascisme avec nos partenaires associatifs Mrap, Ldh, Cimade, Secours Catholique en lien avec les syndicats CGT, SUD, FSU et élargi à la JC, la Jeune Garde, FSE, SELA CGT, etc. comme front antifasciste.

3) Tu prends aussi ta retraite en tant que prof de LP. Comment le métier a-t-il évolué ?

Mal : classes de plus en plus surchargées, programmes rabougris, moyens dégradés, chefs d’établissement avec toujours plus de pouvoir et formatés pour manager, formations au rabais, non prise en compte de la misère sociale des familles et des élèves, salaires bloqués,  avancements d’échelons ralentis, statut de fonctionnaire malmené, précarisation massive (CDD et CDI), accélération de la privatisation rampante…

Le rapport de forces qui avait permis des conquêtes sociales et démocratiques a été inversé. Le corporatisme,  l’individualisation, le formatage idéologique et le déclassement sont entrés en force dans la « grande maison » parce que le mouvement syndical réformiste y est dominant.

Le lycée pro qui forme au métier et à la citoyenneté, voire au syndicalisme, est en voie de liquidation au profit de « l’apprentissage », cette arme de conditionnement pro-patronal des futurs ouvriers, d’implosion du SMIC et de mise à disposition des patrons de nos enfants. L’école va mal comme la société parce que subissant la crise systémique du capitalisme impérialiste.

4) Que penses-tu de la manière dont les syndicats enseignants ont mené la lutte pendant ce temps ?

Au lieu d’approfondir l’opposition entre réformistes et révolutionnaires comme avant, on assiste à une convergence entre les réformistes à travers la formule autocratique de « syndicalisme rassemblé » et l’adhésion à la succursale syndicale de l’UE qu’est la CES.

L’abandon par la CGT de la FSM a été un tournant vers la conciliation entre syndicats pro-patronaux et syndicats indépendants des travailleurs. Voilà d’où vient ce cumul des défaites syndicales depuis le milieu des années 90.

Le réformisme émiette et éparpille les luttes. Il fut faire déboucher le « tous ensemble » auquel tous aspirent. Pour y arriver, il faut reprendre la lutte des idées, la lutte idéologique dans les organisations prolétariennes contre le réformisme de droite et de gauche et recréer ainsi dans le mouvement ouvrier l’hégémonie culturelle de la lutte des classes comme moteur des transformations révolutionnaires pour abattre le système prédateur qu’est l’impérialisme stade suprême du capitalisme.

5) Comment vois-tu la préparation du prochain congrès de la CGT ?

Ce doit être l’occasion pour la base militante de faire prévaloir sa volonté de stopper les attaques anti-sociales et antidémocratiques pro-MEDEF et UE des libéraux qui font le lit du fascisme, notamment par l’odieuse politique qui désigne les musulmans, les immigrés, les sans-papiers comme boucs-émissaires des maux socio-économiques et la funeste « américanisation » culturelle hollywoodienne que nous impose la « mondialisation » libérale fascisante sous domination US.

Au congrès dernier, nous avons fait introduire dans les documents CGT le nom de la FSM, plusieurs syndicats et UL y retournent à partir du principe de la double appartenance. Il faudra batailler ferme contre l’écologisme petite bourgeois – comme le dit Marx, le « capitalisme détruit par l’exploitation l’humain et la nature » – le féminisme petit bourgeois – le patriarcat est une arme d’oppression capitaliste de la femme travailleuse et de division du prolétariat – et pour imposer l’idée que le racisme négrophobe, arabophobe, rromophobe et islamophobe est aussi une terrible arme de destruction de l’unité des 30 % des post-coloniaux et des 70 % des autochtones qui forment la classe laborieuse en France.

Sur la base de ces positions de classe, la CGT doit élaborer une stratégie de lutte convergente d’union à la base des travailleurs contre les obstacles que constituent le réformisme de compromission avec le grand patronat du Medef engagé dans l’alliance patronale de l’UE pour détruire les conquis sociaux et démocratiques et participer à l’oppression des peuples avec les milliardaires étatsuniens.

6) Comment envisages-tu la reconstruction du PCF ?

Avec des communistes de la diaspora africaine et du PCF nous avons mis en place dès 1987/88 le Cercle Henri Barbusse pour réhabiliter le PCF de Tours, les conquêtes du Front Populaire et de la Résistance, défendre et propager les véritables leçons d’Octobre 17, l’URSS, l’Internationale Communiste, et contribuer à la reconstruction communiste en France tout en créant un lien internationaliste avec l’Afrique par Sanfin/La Nuée du Mali et Ferñent/L’Etincelle.

Ce travail, nous l’avons mené dans la Coordination Communiste nationale jusque vers 2000 : organiser les communistes qui quittent le PCF, ceux qui veulent devenir communistes sans avoir jamais adhéré au PCF, garder le lien avec ceux restés dedans. Nous continuons ce travail d’unité d’action avec le PRCF, l’ANC, le PCRF à travers des déclarations communes et des débats idéologiques fraternels. Travail qui vient de franchir une étape avec la revue « Echanges Communistes ».

La social-démocratie écologiste alter ou anti-libérale – FI/UP – est politiquement à la tête du front de la résistance populaire actuellement. Au RC, nous avons choisi au RC d’y être tout comme on est dans les luttes syndicales et populaires. Nous pensons que si nous y étions ensemble RC, ANC, PCRF, nous serions en mesure d’être plus fort et d’y faire respecter le courant communiste révolutionnaire.